UNE PUBLICITÉ DE TROP

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Nouvelle écrite par Daniel KERN

Extrait:

Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas plu comme ça. Une averse intense qui laissait à peine entrevoir un ciel gris sombre. Une averse orageuse n’a certes rien d’extraordinaire pour un mois d’août, mais cela faisait presque trois mois qu’il n’était pas tombé une goutte. La météo semblait ne plus vouloir changer depuis fin mai et les températures ne cessaient d’être étouffantes. Début juin le thermomètre avait franchi la barre des trente degrés, et à la fin du mois les quarante étaient observés à l’ombre. On n’était pas descendu sous les trente degrés depuis. Et aujourd’hui, la pluie tombe. Une pluie rafraîchissante. Les gouttes martèlent les feuilles des arbres et le sol. Ces gouttes rebondissent sur les parapluies noirs avant de finir par s’écraser au sol. On pourrait croire que ce sont ces mêmes gouttes qui ruissellent le long des joues de Claire si l’on ne prêtait pas attention au parapluie noir au-dessus de sa tête. Un parapluie tenu par Gisèle, sa belle-mère. Une petite femme légèrement voûtée, habillée tout en noir, avec un voile devant le visage. Claire n’avait pas la force de tenir ce parapluie, elle arrivait à peine à rester debout. Le chagrin d’avoir perdu son mari était encore trop lourd à porter.

Il y a une semaine encore, elle était heureuse, presque comblée. Elle vivait avec un homme charmant, Cédric, grand, svelte, les cheveux courts un peu grisonnants. Le seul petit hic dans sa vie était qu’elle n’avait pas d’enfant. La nature en avait décidé ainsi. Sa vie avec Cédric était idyllique. Il travaillait comme agent immobilier à son compte. Il effectuait beaucoup de déplacements, mais avait fait un point d’honneur d’être toujours rentré avant 19 h pour passer du temps en sa compagnie. Elle travaillait comme fleuriste dans une petite boutique du centre commercial, « Flower Power ». Il n’y avait que deux employées dans cette boutique, elle et son amie Delphine. Leur patronne, Iris, qui avait un prénom prédestiné, était là tous les jours, tandis qu’elle et Delphine alternaient le matin et le soir. Elle adorait son travail. Préparer des compositions florales, discuter avec les clients et clientes, certaines pouvant venir deux ou trois fois par semaine. Faire une composition ou un bouquet lui apportait beaucoup de satisfaction. Elle créait toujours ses bouquets en pensant au sourire de la personne qui allait le recevoir. Quand elle travaillait, elle rayonnait. Les week-ends étaient parfaits aussi. Cédric travaillait un peu à son bureau, puis passait le reste du week-end avec elle. Ça faisait maintenant 17 ans qu’ils étaient mariés, et à les voir on aurait pu croire qu’ils n’en étaient qu’au tout début. Restaurant, cinéma, bowling, soirée dansante, etc. Elle voulait passer tout son temps libre avec lui. Elle s’entendait même bien avec sa belle-famille. Enfin, cette belle-famille était très restreinte, car Cédric était fils unique, et son père était mort lorsqu’il était encore tout petit. Ceci expliquait peut-être cette relation assez forte qui unissait Cédric avec sa mère. Néanmoins, Gisèle avait tout de suite accepté Claire et faisait toujours attention à ne pas être trop présente dans leur vie de couple. Ils déjeunaient une à deux fois par mois avec elle, et cela lui suffisait. Gisèle appelait quand même assez fréquemment son fils pour avoir des nouvelles, mais cela ne dérangeait pas Claire, qui trouvait même cela un peu attendrissant. Son homme si grand, si fort qui était encore si proche de sa maman. De son côté, sa famille n’était pas très grande, même très restreinte. Il ne lui restait qu’une sœur, plus jeune de 6 ans. Célia. Elle était plutôt bien en chair, brune de taille moyenne, les yeux verts et surtout très enjouée. Claire n’avait que des souvenirs d’elle souriante. Ses parents étaient morts il y a huit ans dans un accident de voiture. Un chauffeur de poids lourd s’était endormi et avait propulsé son camion sur la voie où venait la voiture de ses parents. Vu l’état de l’épave, ils n’avaient pas dû souffrir. La mort avait dû être instantanée. Ce qui n’avait pas été le cas de la douleur pour ces deux sœurs. Heureusement Célia s’était montrée très forte et avait beaucoup aidé Claire lors de ce triste moment. Ces sœurs déjà très proches s’étaient encore plus rapprochées. Malheureusement, le travail de Célia l’avait amenée à quitter la France il y a un peu plus de 3 mois pour aller vivre et travailler à Singapour. Depuis, elles s’appelaient souvent, mais ne s’étaient plus vues en vrai. Elle lui manquait… surtout aujourd’hui. Elle lui avait annoncé la nouvelle il y a deux jours, mais Célia n’avait pas pu prendre un vol pour venir à l’enterrement. Elles en étaient toutes les deux désolées. Même si sa belle-mère était à ses côtés, elle ne s’était jamais sentie aussi seule.
Pendant que le prêtre faisait l’éloge de son mari, elle ne pouvait s’empêcher de revivre encore et encore cette soirée où toute sa vie a basculé. Ce coup de fil de Gisèle lui annonçant le drame. La veille, Cédric était venu la chercher à son travail pour l’emmener faire les boutiques. Une agréable surprise, d’autant que cela faisait plusieurs semaines qu’il semblait stressé, préoccupé probablement par son travail. Ils avaient passés le début de soirée à faire du shopping, il lui avait même offert un ensemble de lingerie très érotique annonciateur d’une soirée torride, puis il l’avait emmenée dans un petit restaurant indien qu’ils avaient l’habitude de fréquenter. Le repas avait été délicieux et ils étaient rentrés pour continuer la soirée chez eux. Durant le trajet, Claire avait commencé à avoir quelques douleurs au ventre. Cela lui arrivait de temps en temps, elle savait qu’elle avait quelques problèmes au niveau des ovaires qui étaient entre autres responsables de son infertilité. Cette douleur ne l’avait pas inquiété plus que cela, mais l’avait un peu dérangée vu le programme torride qui était prévu ensuite. Au fur et à mesure du trajet, la douleur s’était accentuée et elle commençait à avoir des nausées quand ils arrivèrent chez eux. À peine Cédric avait-il ouvert la porte d’entrée que Claire était passée telle une furie pour atteindre les sanitaires. Les bruits qui se firent entendre juste après ne laissaient aucun doute sur la vraie origine de ses douleurs ventrales, la nourriture indienne n’était pas passée et était en train de ressortir. Cette soirée qui aurait dû être torride devint finalement vomitive ! Quelques minutes plus tard, ce fut au tour de Cédric d’avoir des douleurs au ventre. Voyant l’état de sa femme, il comprit vite que lui aussi n’avait pas très bien digéré le repas. Cependant, son état ne sembla pas empirer. Il avait des crampes d’estomac, mais tout restait en place. Ce qui n’était pas le cas de Claire qui ne quittait plus les sanitaires. Au bout d’une demi-heure, il voulut lui donner quelques médicaments pour la calmer un peu, mais ne trouva rien dans leur pharmacie. Il décida alors d’aller en chercher à la pharmacie de garde, qui n’était qu’à 10 minutes. Son état lui permettait sans problème d’y aller, ses douleurs étaient de moins en moins fortes. Claire le remercia de cette intention et le laissa partir pendant qu’elle allait s’allonger sur le canapé. Ses crises devenaient de moins en moins fréquentes, le pire semblait être passé. Et avec les médicaments que Cédric lui rapporterait, tout devrait revenir dans l’ordre.

Il semble qu’elle ait fini par s’endormir sur le canapé, car quand le téléphone tomba de l’accoudoir, elle sursauta et après avoir repris ses esprits se rendit compte qu’il était 5 heures du matin et que son téléphone avait 17 messages en absence. Elle se rappela qu’elle avait laissé le téléphone en mode vibreur depuis qu’ils avaient été au restaurant. Elle avait oublié de remettre la sonnerie. Elle décrocha et entendit sa belle-mère, Gisèle, en larmes. Cédric avait eu un accident en revenant de la pharmacie. Un chauffeur de camionnette s’était endormi et était venu percuter la voiture de Cédric qui arrivait en sens inverse. Aussitôt elle repensa à l’accident de ses parents. Le choc avait été effroyable. Apparemment au moment de l’accident, Cédric était en ligne avec sa mère, via le Bluetooth de la voiture et lui expliquait leur situation de santé, l’intoxication alimentaire suite à ce repas dans le restaurant indien. Il n’avait pas fini sa phrase quand Gisèle avait entendu un grand choc. Elle avait tout de suite pensé au pire et avait appelé Claire, mais la vibration du téléphone ne l’avait pas réveillée. Cela dit, même s’il l’avait réveillé, c’était déjà trop tard. Elle aurait dû aller sur place et voir le massacre. Une voiture explosée, déchiquetée avec un corps dans un état similaire. Elle avait évité ça, pas Gisèle qui avait été rapidement sur place et vu tout cela. Elle n’en parlait pas, mais il était évident qu’elle avait été profondément choquée. Elle n’avait cessé d’appeler Claire, mais celle-ci dormait paisiblement. Quand Claire se réveilla, le corps était déjà à la morgue de l’hôpital. Gisèle venait d’identifier son fils et repartait chez elle. Les deux femmes avaient pleuré longuement au téléphone et Gisèle était venue chez Claire qui ne pouvait pas se déplacer, ses douleurs étaient encore trop fortes. Elles avaient encore pleuré une bonne partie de la matinée. Si le corps de Claire allait mieux en fin de matinée, les esprits étaient perdus. Elle avait appelé sa sœur pour la prévenir, et elles avaient pleuré toutes les deux. Des larmes qui semblaient ne plus vouloir s’arrêter. Gisèle qui avait vu l’état de son fils avait demandé à Claire de ne pas aller voir le corps. Inutile de rajouter de l’horreur à ce moment déjà trop pénible. Claire ne l’avait donc plus revu depuis qu’il lui avait dit « à tout de suite » en allant à la pharmacie. Depuis elle se sentait très faible aussi bien physiquement que mentalement. Heureusement, Gisèle la soutenait et s’était occupée de tout pour les funérailles. Le cercueil, la couronne de fleurs, tous les détails de la cérémonie. Les deux femmes s’entendaient bien avant l’accident, maintenant elles étaient devenues encore plus proches.

Venez découvrir la suite et fin de cette nouvelle !

 

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